Illustration:The Scottish Widow
John Shannon
Nuit
de solstice
Elle est venue du fond des âges, un soir où
la lune était pleine:
un souvenir enfanté dans l'écho, comme une
ombre incertaine.
Tenant un rameau fraîchement cueilli, le front
cerclé d'argent,
elle marchait sur la lande d'un pas léger,
souriante dans le vent.
Les nuages noirs, au loin, prédisaient une prochaine tempête;
les marées seraient violentes, en
ces temps de solstice.
Déjà, les plus sauvages craintes
résonnaient dans sa tête:
celles des mortels dont les
prières iraient aux abysses.
Née de la Terre,prêtresse
des horizons barrés d'incertitude,
telle une arcane jetée
par un profane sur le tapis de bruyère,
sans autre destinée que
d'offrir son sang pourpre à la Lumière,
elle allait pour les
siens, en cette nuit, quémander quiétude..
Elle est venue du
fond des âges, comme un oriflamme nacré
s'oublier dans les
méandres du temps en un souffle étouffé.
Ses cheveux erratiques
dans le vent s'accrochaient aux genêts.
Elle esquissa un chant
dont les ondes s'évanouirent aux nuées.
Au seuil
consacré, elle hésita à peine, franchissant la frontière…
L'autel
de granit, simple pierre érodée par le vent l'attendait.
Un
poignard doré à la lame brillante en était l'ultime cerbère
d
un ailleurs qu'elle espérait meilleur que tout ce qu'elle
quittait.
La lune était pleine, en cette nuit de solstice,
son cœur était de vie,
mais il n'était plus temps de s'affranchir d'éternité...
Elle puisa en elle un souvenir aimé et dans un cri
plongea la lame
exsangue au flot de l'immortalité.
Elle est venue, un soir,
du fond des temps à la lune dorée,
pour irriguer de son souffle
de vie les terres nourricières.
Simple écho d'antiques
prophéties, mythes étouffés du passé
prêtresse voilée de
poussière, à l'ombre du cercle de Pierre...
Ysatis de Winter